: Vidéo Bernard-Henri Lévy est "sincère", selon le journaliste Jean-François Kahn
Jean-François Kahn, écrivain, essayiste et fondateur du magazine "Marianne", a accordé un entretien à Nicolas Poincaré à l'issue de la diffusion d'un portrait de Bernard-Henri Lévy, philosophe, écrivain et intellectuel engagé, dans le hors-série du magazine "Complément d'enquête" du 6 août.
Après le portrait de Bernard-Henri Lévy diffusé le 6 août dans le hors-série du magazine Complément d'enquête sur France 2, Jean-François Kahn, écrivain, essayiste, fondateur du magazine Marianne, a répondu aux questions de Nicolas Poincaré. Ils sont assis dans les fauteuils rouges emblématiques de l'émission, installés place de la République à Paris.
A-t-il de la sympathie pour BHL ? "J'ai souvent été très critique vis-à-vis de lui, mais il est sincère. Beaucoup de gens ne le croient pas et n'y voient que de la posture, pensant que tout est arrangé. Non, il y a une sincérité. Ce qui est une posture, c'est global, comme se faire un personnage à la Malraux ou à la Hemingway. Ça, oui, c'est calculé, mais engagement par engagement, c'est extrêmement sincère. Il se projette complètement dans une cause. Il a un courage physique, et on en doute aussi. Dans une réunion publique à Nice, nous avons été attaqués par des groupes d'extrême droite. Je ne voyais plus les gens à la tribune. Ils étaient sous la table. Lui s'est levé et a riposté aux attaquants avec un vrai courage. Je l'ai vu. Et puis, cela a été dit dans le document, il y a la fidélité en amitié, très profonde. C'est un des rares à n'avoir pas lâché DSK."
Et ses défauts ? "Il est avec Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande… Il y a une fascination du pouvoir. Il veut être là où est le pouvoir. Une autre raison explique pourquoi il est avec tous ces gens. Il est très radical en fait. Soit radicalement à droite en matière économique ou sociale, soit radicalement à gauche en matière de mœurs et sociétale. Il rêve d'une gauche qui serait de droite. Le monde capitaliste est pour lui un monde indépassable. Le problème de son rejet dans le peuple, c'est que les gens ont évolué en sens inverse. Ils ont plutôt un rejet du 'soixante-huitardisme' en matière sociétale et aussi celui des dégâts du néolibéralisme en matière économique. Il y a une évolution absolument contraire entre ce qu'il est et ce qu'est devenue la société. D'où cette incompréhension, cette faille entre lui et une partie de l'opinion publique."
"Il exclut la complexité"
En politique étrangère, il y a pour BHL les bons et les méchants ? "Il a en effet une vision extrêmement manichéenne : les bons et les méchants, les justes et les injustes. Il explique dans son livre De la guerre en philosophie (Grasset) sa conception de la politique et que tout est une guerre, qu'il y a vraiment deux camps, celui du Bien et celui du Mal. Et dès lors que l'on défend le camp du Bien, tous les moyens sont bons. On peut ruser, mentir… C'est une sorte de 'stalinisme soft', mais bien sûr, il a des causes plus honorables qui ne débouchent pas sur le crime. Il faut choisir son camp et il n'y a pas d'intermédiaire. En Libye, on ne peut pas lui reprocher de défendre les rebelles contre Kadhafi, mais il ne se demande pas qui sont ces rebelles. Dès lors qu'il est avec eux, ils sont bien, à son image. Ce sont des anges. Il a nié jusqu'au bout qu'il puisse y avoir des islamistes parmi les rebelles. Il ne remet rien en cause et ne regrette rien de tout ce qu'il a dit et fait. Cela lui fait beaucoup de tort."
Il a l'oreille des présidents. Ne serait-il pas un ministre des Affaires étrangères bis ? "Un intellectuel peut jouer un rôle comme dans l'affaire Dreyfus, au nom de la justice, mais les politiques n'ont pas à lui demander de se substituer à leur rôle." Pourquoi l'ont-ils tous écouté ? "Il défend de bonnes causes dont il exclut la complexité et qu'il simplifie à l'extrême. À remarquer qu'il n'a jamais défendu une grande cause sociale, comme la question de la misère ou de l'inégalité en France, car il est plutôt pour le système libéral. Ce n'est pas ça qui le porte. Cela lui nuit. S'il avait défendu une fois une cause pour les Français ordinaires, il se serait humanisé par rapport à eux. C'est toujours Malraux, Hemingway… C'est toujours ailleurs..."
Qu'en restera-t-il philosophiquement ? "Son drame, c'est qu'on ne lit plus ses livres, alors, que l'on soit pour ou contre, il mérite d'être lu. Le personnage, avec la chemise et tout ça, a complètement tout bouffé, tout éclipsé. Ce qu'il dit mériterait d'être examiné."
> Autres temps forts :
- Quand Bernard-Henri Lévy convainc François Mitterrand d'aller à Sarajevo
- Le cadeau de Bernard-Henri Lévy à la Libye en pleine révolution
> Ces vidéos sont extraites du document "BHL, un homme d'influence" diffusé dans le hors-série de Complément d'enquête du 6 août 2015, magazine d'information présenté par Nicolas Poincaré sur France 2.
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